Catégorie : Les grands et les petits maux

  • « Un quartier qui vit grâce à toutes ces conversations »

    « Un quartier qui vit grâce à toutes ces conversations »

    De ma fenêtre je vois des grilles. Des grilles que le soleil transperce pour laisser passer un rayon de soleil les jours de beau temps. J’y aperçois mes voisins qui se hâtent de rentrer à la maison, des gens passer, j’entends le cri des enfants qui rentrent de l’école, contents d’avoir fini la journée et d’enfin rentrer à la maison.

    J’entends également les derniers commérages du quartier : « Comment allez-vous ? », « Comment étaient tes vacances ? » pour les uns, « Tu as vu le nouveau magasin bio rue Fondaudège ? » pour les autres. Bref, les derniers ragots du quartier. Un quartier qui vit grâce à toutes ces conversations. Un quartier où joie, bonne humeur et entraide sont les maîtres mots.

    M.

  • « Finalement j’ai accepté et décidé de persévérer ! »

    « Finalement j’ai accepté et décidé de persévérer ! »

    Je me souviens, c’était un jour ordinaire, comme tous les autres jours, il restera inoubliable. Comment suis-je arrivée dans cet endroit hospitalier qui s’appelait « Hermite » ? Je me souviens et m’en souviendrai jusqu’au dernier jour de mon existence. Ce jour passé, à moitié endormie, torturée par des cauchemars qui m’habitaient longuement me réveillant avec l’idée que je devais m’effacer. Hélas le destin s’en est mêlé et à guidé aussi mes pensées. J’arrivais au rendez-vous déjà programmé en hôpital de jour, j’éclatais en sanglots sans réfléchir et je murmurais mon mal intérieur.

    À cet instant-là, je ne voyais uniquement des personnes avec des blouses blanches qui essayaient de me calmer et de me mettre en confiance. Dépassée par mes émotions, je ressentais l’angoisse, comme enfermée dans une cage, qui était en fait une pièce de soins. La peur était là : immédiatement je redoutais que j’allais rester dans un monde que je ne comprenais pas. Une pièce miniature avec un lit et une table où j’allais affronter les repas et me reposer obligatoirement afin de combattre mes symptômes. Finalement, peu de temps après, j’ai accepté et décidé de persévérer !

    A.

  • « C’était le jour de l’anniversaire de mon frère »

    « C’était le jour de l’anniversaire de mon frère »

    Je me souviens, c’était le jour de l’anniversaire de mon frère : un jeudi 27 janvier. J’ai pris le bus vers 9h30 avec mon sac à dos et ma valise lourde sur laquelle je me suis à moitié assise pendant le trajet. À l’arrêt suivant celui où je suis montée, le bus s’est rempli et trois hommes debout devant moi se sont mis à parler de leur travail. Je ne comprenais quasiment rien, ils utilisaient du jargon très technique. J’essayais de deviner dans quel domaine ils travaillaient, l’informatique peut-être, car il me semble avoir entendu des mots comme programmation…

    Après quelque temps, je m’en suis désintéressée et je me suis mise à surveiller les arrêts. À la sortie du bus, j’essaye de sortir comme je peux avec ma valise et je la pose sur le trottoir. Il n’est pas lisse, elle roule mal, je la tire, pousse, porte et j’avance avec difficultés vers l’hôpital. J’en ai pour 10 minutes de marche. Je ne fais attention à rien d’autre que le prochain mètre que j’ai à faire avec ma valise.

    Arrivée à l’hôpital, je montre mon passe sanitaire à l’accueil et je rentre. Il ne me reste que quelques pas à faire avant d’entrer dans le bâtiment où je vais vivre les prochains mois. Je me présente à l’accueil, une infirmière vient me chercher et prend ma valise. Le trajet est presque fini, on prend un ascenseur pour monter au premier étage. J’arrive dans le service. Après un peu d’attente et des papiers administratifs à remplir, on me montre ma chambre et une infirmière met ma valise sur mon lit, l’ouvre et commence à en faire l’inventaire. Une fois l’inventaire fini, je peux enfin vider ma valise et m’installer dans ma chambre. Je la laisse dans un coin tout noir, sous une demi-fenêtre fermée, où je vais l’oublier pendant les prochains mois et je vais me coucher dans mon lit.

    C.

  • « C’est un hôpital… pas les jardins de Versailles  »

    « C’est un hôpital… pas les jardins de Versailles »

    Je me souviens, c’était le 22 décembre 2019. Il faisait gris, comme souvent durant l’hiver parisien. J’avais froid et j’étais venu visiter l’hôpital de jour du service des troubles du comportement alimentaire de l’hôpital Paul Brousse. Une visite, une simple visite… cela ne devait être qu’une formalité de quelques heures pour satisfaire une curiosité et imaginer, peut-être, une prise en charge dont j’avais grandement besoin.

    J’avais donc pris ma voiture de bon matin pour traverser le 13° arrondissement puis la très longue avenue qui séparait le périphérique de l’hôpital. Un chemin jalonné par ces barres d’immeubles, son centre commercial insipide et un marché désert… bref, une route terne et triste comme on en trouve beaucoup en région parisienne, une ligne interminable sans couleur ni gaieté hormis celles des feux de signalisation… la parfaite représentation de mon apparence et de mon état d’esprit de l’époque.

    Trente minutes plus tard, avenue Paul Vaillant Couturier… dernier virage… PNC aux portes… j’arrive devant la barrière de l’hôpital. Je suis accueilli par un charmant monsieur qui me demande ma convocation et qui m’indique le bâtiment. Il est là, tout près, juste sur ma droite, tout en brique rouge qui me rappelle ces vieilles cités anglaises mornes et complètement délabrées.
    Sur ma gauche, une allée avec tout plein de voitures garées, quelques arbres épars aux branches nues… cela manque de couleurs, de saveurs… et en même temps c’est un hôpital… pas les jardins de Versailles. Ce paysage est chargé de mélancolie ou alors c’est mon regard qui le déforme à souhait.

    Je franchis le seuil du service. Je ne le sais pas encore, mais alors que ma visite ne devait durer que quelques heures, je ne repasserai cette porte que 5 mois plus tard.

    A.

  • « Accroupie dans moi-même »

    « Accroupie dans moi-même »

    Je me souviens que je n’aurais pas voulu qu’un jour je puisse me souvenir de ce jour. Et pourtant… ce jour est resté gravé dans ma mémoire comme une cicatrice, qui avec le temps s’atténue jusqu’à disparaître complètement… C’était une très belle journée, d’un été tardif. Le soleil fort m’empêchait de tenir les yeux ouverts pour regarder le trajet que l’ambulancier parcourait, me transportant du service de nutrition jusqu’au service de TCA (Troubles des conduites alimentaires).

    Il faisait très chaud, tellement chaud que sur le front de mon pauvre transporteur de marchandise vivante, coulaient des gouttes salées de transpiration, contrairement à cette gaieté extérieure, à la brillance des choses environnantes. Je me souviens que moi j’étais très fermée, accroupie dans moi-même, comme dans une prison : le corps, la prison de mon esprit, comme les esclaves du grand Michel-Ange. Une fois arrivée dans l’unité, dont le nom Lhermitte semblait être destiné, en syntonie avec mon état d’esprit.

    Une infirmière m’a pris en charge en me présentant de manière plutôt succincte le service, puis, encore, ses collègues, infirmiers, aides-soignants. Elle a rédigé de manière détaillée le compte-rendu de mes affaires, de tous les objets que j’avais rassemblés dans une petite valise : vêtements, produits d’hygiène personnelle, livres, beaucoup de livres. Grâce à tous ces livres, j’espérais me transposer dans une autre dimension, loin du blanc froid inerte de l’hôpital. S’évader. S’évader pour résister.

    Une fois achevé le compte-rendu, l’infirmière a quitté la chambre. Je suis restée avec le regard perdu sur la porte qui se fermait et qui m’enfermait. Lasciate qui speranza, voi che entrate… (Laissez tout espoir, vous qui entrez)

    M.

  • « Un étage et une éternité plus tard »

    « Un étage et une éternité plus tard »

    Je me souviens, c’était un lundi. Le 27 septembre 2021. Il était 10h30 passées et on m’attendait pour 10h. La voiture chargée de mes affaires et maman au volant, après plus d’une heure trente de route, voilà que je franchis la barrière de l’hôpital. La boule au ventre, la gorge nouée, je sens les larmes monter. Maman traîne ma valise et moi je la suis, la tête penchée en avant, les yeux rivés sur le sol, perdue dans mes pensées. Je ne prête pas attention à ce qui m’entoure et je ne dis pas un mot de peur d’éclater en sanglots.

    Lorsque je relève enfin la tête, je me trouve devant la porte n° 4. Un panneau en métal semble parfois bouger au gré du vent. Un échange de regards, un timide « à bientôt » et me voilà dans l’ascenseur. Ma valise à la main, mon sac sur le dos, je fixe maman le temps que les deux portes métalliques se referment devant moi. « Tchaq ». Un étage et une éternité plus tard, les portes s’ouvrent à nouveau laissant apercevoir un immense couloir rectiligne aux murs salis et ternis par les années et la souffrance.

    Je suis perdue et je ne sais pas où aller. Je reste figée quelques secondes avant que quelqu’un croise mon chemin et me mène jusqu’au poste de soins. Après un passage aux admissions pour régulariser ma situation et me faire enregistrer, il est temps de découvrir ma chambre. C’est la 27, juste en face de la salle à manger : une porte bleue, usée par les années, munie d’un hublot en forme de losange. Un tour de clé et la porte s’ouvre sur une petite pièce sombre : un lit, une armoire, une étagère, un bureau, une chaise et un fauteuil. Des murs gris, gris hôpital. Des murs entre lesquels je vais rester pour une certaine durée. Des murs que je m’empresse d’égayer avant même de m’installer. Des murs au sein desquels aujourd’hui je me sens bien et je tente de reprendre peu à peu confiance.

    A.