Je me souviens le 11 octobre 2021, le jour du nouveau départ, une « renaissance ». Comme toute venue au monde, les larmes tombent….
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« Le jour du nouveau départ, une renaissance » -1-
Je me souviens le 11 octobre 2021, le jour du nouveau départ, une « renaissance ». Comme toute venue au monde, les larmes tombent….
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«Tout un symbole pour qui recherche la vie »
Bien sûr que je me souviens : 19 juillet 2021, premier jour hospitalisée, mais aussi date anniversaire de la mort de ma grand-mère. Tout un symbole pour qui recherche la vie. Passée le choc des premiers jours, un tsunami de vulnérabilité face à ce nouvel environnement dont je n’avais décidément pas tous les codes. J’avais au départ imaginé ne rester qu’un seul petit mois : quelle ne fût pas ma surprise de découvrir que vous étiez en salle depuis avril et que j’allais devoir envoyer valser rapidement mes calculs foireux !
Et aujourd’hui, que reste-t-il ? De cette transition imperceptible durant laquelle ce cadre strict, à l’allure hostile au départ, devient d’un coup ton quotidien ? La traversée : 7h15, bonjour, c’est l’heure de la pesée couloir lino-néon-ligne droite, chemisette APHP, en file indienne ?
Le goût agressif des vitamines grumeaux jaune radioactif ? Le cri strident de la sonde qui te réveille en sursaut ou les larmes salées ? Non, ce qu’il me reste aujourd’hui, ce sont nos matinées aquarelle désenchantée Mylène Farmer ; tout est chaos devant la grande télé de la salle commune. Nos soirées tisanes-colonies de vacances aux avant-goûts d’un service de géronto. L’odeur de la lavande, les chatons qui gambadent dans le jardin de l’addicto. Notre hilarité face à la classification douteuse de la bibliothèque qui relie timidité, alcool et violence à homosexualité : c’est la décadence !
Le piano du bas et les notes qui s’en échappent lentement sous les doigts dans les couloirs-abbaye. La bienveillance de l’équipe soignante, si vous avez besoin de nous on est juste à côté, malgré la fatigue des journées de travail très remplies.Et cette belle soirée d’août, la chaleur du soleil sur ma peau, la Fuerza del destino de Mecano s’élevant doucement dans les airs et une patiente de psychiatrie, porte de la chambre ouverte, qui m’envoie son meilleur sourire ; jusqu’aux oreilles. Des moments comme ça, il y en a eu des dizaines et des dizaines, ils n’empêchent pas les larmes de couler, mais ils apaisent le coeur. « Tous les orages viennent à manquer de pluie » disait Maya Angelou dans une interview…
A.
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« Ce matin-là, j’ai choisi de guérir »
Je me souviens, c’était un vendredi 28 janvier 2022. Ce matin-là, ma vie a pris un autre tournant, celui de choisir d’être en bonne santé, de guérir. Ce matin-là, une ambulance a effectué mon transfert d’hôpital. 8h30, il fait encore nuit quand un « dring » strident retentit. Les 2 ambulanciers étaient là.
C’était impressionnant et stressant. Et c’était parti pour une montagne de papiers à signer pour être en règle. Une fois ceci terminé, j’avançais dans ce brouillard jusqu’à l’ambulance. Je devais alors m’allonger sur le brancard, situation difficile à accepter puisque je suis « valide ». Je voulais m’asseoir dans un fauteuil normal, cependant je n’ai pas eu le choix.
Ces lumières bleues donnaient une ambiance froide. Je les ai observées pendant de longues minutes. Pour continuer sur cette lancée, le chauffeur a mis une chanson de rap américain : aucune mélodie, seulement des mots. Incompréhension avec mon anglais médiocre. C’est long, c’est ennuyant, c’est stressant.
L.
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« Je savais que ça allait être difficile »
Je me souviens c’était un 15 juillet. Il s’agissait d’un mercredi. Un brancardier est venu me chercher dans le service de nutrition. J’étais stressée. Le brancardier m’a laissée dans la salle commune avec ma valise en attendant que l’infirmière et l’aide-soignante viennent me voir et m’accompagnent dans ma chambre, la 37.
Elles ont fait l’inventaire de mes affaires et ont essayé de me détendre en parlant littérature. En effet, j’aime beaucoup lire et j’avais emmené plein de livres. Puis je suis sortie de ma chambre et je suis retournée dans la salle commune où 3 autres patientes sont venues m’accueillir et me rassurer. On a discuté, on a appris à faire connaissance et elles ont répondu à mes interrogations concernant le fonctionnement du service de TCA.
Le repas est ensuite arrivé. J’étais angoissée et n’ai quasiment pas touché à mon assiette. Je me souviens qu’il y avait des pâtes, des farfalle pour être exacte, et des petits pois. À la fin du repas, durant le temps calme les filles ont essayé de me rassurer, de me dire que c’était bien ce que j’avais fait et qu’il fallait qu’à chaque repas je fasse un petit peu plus.
Pour passer les paliers et donc baisser la sonde, il fallait tout finir. Je savais que ça allait être difficile, mais j’ai par la suite mangé un peu plus, jusqu’à réussir à tout finir et donc, avoir droit à une diminution de sonde le lundi d’après.
M.
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« Une certaine appréhension »
Je me souviens c’était un lundi matin je crois. Le 8 septembre 2020, cela faisait 2 jours que j’avais ma nouvelle voiture et j’étais très heureuse d’intégrer un nouveau service malgré une certaine appréhension, parce que ce n’était pas mon choix. Quand je suis arrivée dans le service où j’ai été mutée, la dynamique de l’équipe était rassurante, je sentais la vraie cohésion d’équipe.
À mon arrivée cependant, j’ai senti l’anxiété de certains soignants, car ils pensaient que mon arrivée était synonyme de changement, d’organisation du service, car mon projet professionnel n’était pas le même que le leur.
V.
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« Ne pas m’attacher pour ne pas m’émouvoir »
Je me souviens, c’était un lundi. Le 7 février, cela devait durer 48 heures. Une semaine et demie après, je suis encore là. Il faisait bon ce matin-là, je crois. Je ne me rappelle pas. J’avais comme d’habitude, préparé une valise en avance, calmement, pour avoir moins peur, me sentir en sécurité. J’avais prévu du rechange, au cas où ce séjour s’étendrait. Bien m’en a pris. Il était important que ma valise ne soit pas trop lourde, j’aurais eu l’impression de m’installer. J’ai tellement peur de l’hospitalisation, de m’habituer à venir, d’aimer être hospitalisée, de trouver trop sympa les soignants.
Ce n’était pas la première fois que je venais dans l’unité Lhermitte. Je connais le personnel. Saluer des têtes connues facilite mon intégration. L’accueil était chaleureux. Aux admissions aussi, je suis « réputée ». On m’avait prévu la chambre 39, dont les radiateurs dysfonctionnent, j’avais donc prévu d’ajouter 1 pull dans mes affaires, au cas où je me retrouverais dans cette piaule. Ce n’est pas de ma faute, mais ma mutuelle était injoignable. L’an passé le protocole avait changé et je savais que je pouvais me retrouver en salle avec les autres patients rapidement.
Je me sentais le cul entre 2 chaises : se faire discrète, rester à distance ou participer aux conversations. Je ne me présentais pas, et m’efforçais de retenir les prénoms des unes et des autres. Je me sentais étrangère, mal à l’aise à être présente tout en souhaitant être transparente. Ne pas m’attacher, pour ne pas m’émouvoir des coups de mou de l’autre. Laisser chacun faire son chemin. Espérer qu’elles et qu’ils s’en sortent.
E.
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« Le jour du nouveau départ, une renaissance »
Je me souviens le 11 octobre 2021, le jour du nouveau départ, une « renaissance ». Comme toute venue au monde, les larmes tombent. Sourire crispé au coin de la bouche de ma femme qui jette un regard à la montre, il est l’heure de sortir de la voiture et de se diriger vers le bâtiment dans lequel l’inconnu m’ouvre les bras.
La valise est lourde, mais cette pompe dans ma poitrine l’est davantage. J’essaye de synchroniser mes pas avec ceux de ma moitié, mais le temps manque, me voilà déjà arrivé. Je me souviens de l’état dans lequel j’étais, si il fallait le décrire je dirais instable comme le temps qu’il faisait ou encore moche comme le bruit provenant de cet ascenseur de marque Koné.
Je me souviens de ce 11 octobre, de son odeur, ses humeurs, ce 11 octobre hospitalisé.
B.
