Étiquette : LE GARDIEN

  • « Comment savoir les réponses justes pour chaque cas ! »

    « Comment savoir les réponses justes pour chaque cas ! »

    Un emploi choisi pour subvenir au besoin de ma famille… Je suis agent de sécurité dans le milieu hospitalier, je commence à 6 h du matin. Je possède une petite cabine où éventuellement je resterai à l’intérieur pour répondre au téléphone et à la fin j’effectuerai le contrôle des patients arrivés pour leur rendez-vous et des ambulanciers. Ils arrivent l’un après l’autre pour transporter des malades, c’est leur métier. C’est compliqué parce qu’on affronte toutes sortes d’individus, et parfois nous sommes contraints de ne pas les laisser entrer et là les problèmes commencent !

    Comment savoir les réponses justes pour chaque cas ! Nous sommes parfois dépassés par les gestes répétitifs à ouvrir et vérifier les chambres des individus. La seule et unique raison de se tenir encore professionnel c’est la chaleur humaine et aussi le secteur particulier. Arrive le soir où l’on peut se dire que ces gens malades ont une souffrance et je dois contribuer à la sécurité des autres. Enfin je n’ai pas à me plaindre je suis en bonne santé. J’ai déjà oublié ma journée, vivement demain !

    A.

  • « J’ai les yeux qui piquent, la vérification des passes sera pour demain »

    « J’ai les yeux qui piquent, la vérification des passes sera pour demain »

    « Pour ce soir tu veux manger tibétain, chinois ou marocain ? » Rires… « Deux minutes chérie je t’appelle après, là il y a pas mal d’entrées et sorties au boulot. A toute ! ». Si je ne range pas mon téléphone, je vais encore me faire engueuler. Punaise, en plus, c’est Kévin qui arrive dans l’ambulance, j’en suis sûr il va me raconter tous les potins de la journée.

    – Hé Momo, comment ça va ?
    – Ça…
    – Tu sais pas quoi ?
    – Va…

    Pitié ! Faites qu’une voiture arrive derrière lui et le klaxonne comme si l’Algérie avait gagné un match de foot.

    – « Désolé Kevin ! Juste derrière toi il y a d’autres voitures, on se parle plus tard ! »
    Encore 30 minutes et c’est le week-end ! Ceux qui rentrent en fin de journée dans l’hôpital sont des habitués ; j’ai les yeux qui piquent, la vérification des passes sera pour demain. Mais comme je ne bosse pas demain… Ah ! Et puis mince, imagine que quelqu’un rentre et contamine un patient.

    – « Bonsoir madame ! Pourrais-je voir votre passe sanitaire s’il vous plaît ? »

    B.

  • « On s’est déjà croisé, non ? »

    « On s’est déjà croisé, non ? »

    Il est 18h30, il est encore temps de vous expliquer mon métier. « Oh la la, il pleut encore et encore, j’en ai marre d’être tant trempé, en plus, je suis congelé ! Depuis quand il fait 40° pendant une semaine ? Pff… être debout toute la journée, c’est épuisant ! Oui, j’ai mal aux jambes maintenant. Demander tout le temps “Votre passe sanitaire s’il vous plaît ?” ainsi que “Votre papier de consultation ?” et encore “Ouvrez votre coffre ». Cette dernière chose est complètement stupide, comme si un tueur en série allait soigneusement ranger ses armes dans le coffre ! Bien sûr que non ! Soyons cohérents, il cacherait plus cela sous la banquette arrière.

    Mais bon, je n’ai pas le choix, je suis obligé de déranger tous les visiteurs, de les faire se détacher, descendre, ouvrir le coffre, le refermer et rentrer de nouveau dans leur voiture. Sans oublier tout le personnel à qui il faut que j’ouvre. Je pense d’ailleurs que la barrière s’ouvre et se ferme plus de 40,000 fois par jour, sans abuser.

    Mais il y a tout de même des choses cool dans ce métier. Déjà, nous voyons des milliers de personnes chaque jour, pratique si vous cherchez des amis ! Ensuite cela peut vite être rigolo lorsque vous tombez sur une petite mamie qui est sourde et ne sait pas se servir de son téléphone pour le passe sanitaire. Ou bien lorsque vous voyez les ambulanciers pour la huitième fois de la journée. « On s’est déjà croisé, non ? ». Lorsqu’il faut orienter les patients, mais que cela est incompréhensible, c’est alors un vrai casse-tête. Bref, ce métier est très chiant certains jours et hilarant d’autres jours.

    L.

  • « Certains visages finissent par devenir familiers »

    « Certains visages finissent par devenir familiers »

    Vendredi, 16H25 : voilà plusieurs heures que je vois défiler les silhouettes devant moi, dans un sens ou dans l’autre, entrée, sortie. « Bonjour, au revoir. Puis-je voir votre passe ? Merci monsieur, merci madame ». J’ose parfois lancer un « bonne journée » si le cœur m’en dit. Certains visages finissent par devenir familiers. Ils se répètent au fil des jours, aux mêmes horaires, au même rythme. J’observe parfois un regard, un sourire, un maussade, un préoccupé…

    J.

  • « Qu’est ce que c’est long bon Dieu, mais qu’est-ce que c’est long…. »

    « Qu’est ce que c’est long bon Dieu, mais qu’est-ce que c’est long…. »

    « Qu’est ce que c’est long bon Dieu, mais qu’est-ce que c’est long…. » Assis dans mon aquarium de 2m2, je regarde encore une fois le défilé qui pavane devant moi. Chaque soir, le même empressement autour du retour à la réalité. Chaque soir, depuis mon vivarium, je regarde passer, serpent de fer, le convoi de la liberté. Animal en captivité observant silencieusement l’évasion des soignants animaliers, j’adresse un signe de la main ici et là, parle avec les bras.

    « Ça va ? Oui ça va. Au revoir ! Au revoir ! » Demain le même spectacle, c’est un défilé dont la collection ne se renouvelle jamais. Un à un, je les laisse s’échapper, prendre leur envol, oiseaux. Puis la représentation achevée, j’éteins la salle et je ferme les rideaux.

    A.

  • « Pour chaque voiture, je répète les mêmes gestes et paroles »

    « Pour chaque voiture, je répète les mêmes gestes et paroles »

    Je suis l’agent de sécurité de l’hôpital Paul Brousse : chaque matin je prends mon poste à 6h30. Les premières voitures défilent, ce sont les infirmières et les aides-soignants qui arrivent toujours en premier, eux les médecins n’entrent dans l’enceinte de l’hôpital qu’à partir de 8h30. Pour chaque voiture, je répète les mêmes gestes et paroles. Je fais ainsi stopper tous les véhicules devant la barrière de sécurité. Je vous dit « la barrière », mais en réalité, il y en a 2, une à droite et une à gauche. Celle de droite est réservée aux soignants qui avec leur bip rentrent rapidement dans les ruelles qui parcourent l’hôpital Paul Brousse.

    La barrière de gauche est réservée à ceux qui n’ont pas le Bip ou les visiteurs. Pour eux je leur concocte un traitement particulier. Chaque voiture doit donc s’arrêter devant ma guérite, je demande à chaque personne de mon montrer son passe, puis je demande au conducteur d’ouvrir son coffre afin d’y vérifier le contenu. Lorsque que se présente devant moi une ambulance il me faut faire les mêmes demandes, mais au lieu du coffre qui est comme vous pouvez l’imaginer inexistant, je demande ou même j’ouvre moi-même la porte coulissante qui permet d’accéder à l’arrière du véhicule et de vérifier le contenu. Une fois toutes ces vérifications faites j’appuie chaque fois sur le même bouton qui se situe à l’intérieur de ma cahute afin de lever la barrière et de permettre au véhicule de rentrer. Chaque jour durant mes heures de travail je refais ces faits et gestes avec toujours le sourire et la gentillesse qu’il se doit.

    M.

  • « Combien de fois ai-je répété cette phrase aujourd’hui ? »

    « Combien de fois ai-je répété cette phrase aujourd’hui ? »

    Mon collègue termine sa blague et rigole. J’émets un petit rire, forcé, car je n’ai pas écouté et puis c’est toujours un peu les mêmes blagues. Je les connais depuis le temps… Ce n’est pas que je l’aime pas mon collègue, plutôt le contraire, il me rend la journée de travail plus facile. Mais là je suis fatigué, j’ai vu je ne sais combien de personnes à qui j’ai dû dire « Bonjour », leur demander le passe, leur donner la direction pour les aider à s’orienter dans l’hôpital.

    Et puis il fait froid et j’aimerais rentrer chez moi, au chaud maintenant. Les gens sont d’ailleurs plus nombreux à sortir de l’hôpital qu’à rentrer. Je leur lance des petits « Au revoir », c’est à peine s’ils m’entendent, s’ils font attention, eux aussi ne pensent qu’à rentrer. Mais voilà qu’un homme arrive pour rentrer dans l’hôpital.

    – Bonsoir, Monsieur, votre passe sanitaire s’il vous plaît !
    Combien de fois ai-je répété cette phrase aujourd’hui ?
    – Ah oui, c’est vrai !

    Il a oublié de dire bonsoir. Il est un peu perdu, assez stressé. Il cherche son téléphone, ouvre l’appli et me montre son QR code. Je le scanne avec ma machine.
    – Merci, vous pouvez passer.
    – Merci, au revoir.
    – Au revoir.
    Je le regarde partir, mais ça se voit, il ne sait pas où aller. J’attends un peu, mais il continue son chemin alors je reviens vers mon collègue et m’assois sur la table.
    – Plus que 30 minutes et tu vas pouvoir rentrer chez toi mon pote.
    – Oui, on l’aura bien mérité.

    C.

  • « Derrière mon masque, moi je souris, ce qui n’est pas vraiment le cas des gens que je croise… »

    « Derrière mon masque, moi je souris, ce qui n’est pas vraiment le cas des gens que je croise… »

    18h00, fin de journée pour moi, et oui je suis en poste depuis 8h du mat’. J’ai dû ouvrir et fermer la barrière des centaines de fois. Les « Bonjour » et « Bonne journée », je ne les compte même pas. Derrière mon masque, moi je souris, ce qui n’est pas vraiment le cas des gens que je croise : des patients, des médecins, des ambulanciers, des visiteurs, des gens pressés, d’autres perdus, énervés ou totalement perchés. « Bonjour madame, vous venez pourquoi ? Votre passe sanitaire s’il vous plaît ! Je vais vous demander de bien vouloir ouvrir votre coffre s’il vous plaît ! C’est bon tout est parfait. Bonne journée à vous ».

    Je le connais par cœur ce foutu discours, mon discours, celui que je répète à longueur de journée. Il n’y a pas vraiment de temps mort ici. La barrière doit être crevée, je me demande bien comment elle fait pour tenir toute la journée, et la nuit aussi, car il n’y a pas vraiment de répit par ici. Une ambulance s’amène, gyrophares et tout le tintouin. Pas vraiment le temps de discuter, j’actionne l’ouverture de la barrière et la voilà qui file. Ah les urgences… Pas de chance, aujourd’hui c’est jour de pluie. Ah, qu’est-ce que je les maudis ces jours gris. La flotte tombe à grand bruit sur mon cabanon et je me prends une douche à chaque contrôle de coffre. Sans compter sur l’humidité : c’est moite et ça sent mauvais.

    Faut dire que la guérite n’est pas totalement étanche. Mais bon, faut pas s’en plaindre, on a un toit au-dessus de la tête, c’est mieux que d’être en plein vent toute la journée hein ! Ah ça y est j’aperçois Jean-Philippe au loin. Jean-Phi c’est mon collègue, celui qui me relève pour la nuit. Un vrai bosseur ce type, un gars bien, ça c’est clair. Une poignée de main et une accolade, ça me réchauffe par ce froid glacial. Comme à notre habitude on boit le café ensemble. Un café serré pour nous réchauffer, pour discuter. 18h30 fin de service : j’enlève ma casquette de garde-barrière pour retrouver celle d’époux et de père de famille.

    A.