Étiquette : PORTRAIT D’UNE RENCONTRE RÉCENTE

  • « Un dernier mot pour la décrire : super héroïne car sans le savoir,elle a sauvé une vie »

    « Un dernier mot pour la décrire : super héroïne car sans le savoir,elle a sauvé une vie »

    Madame G. est prof de lettres dans un lycée du Val-de-Marne. Madame G. aime ses élèves et son métier. Passionnée, elle s’entête à aider toutes ces petites têtes à s’enrichir. Elle les remplit de règles de grammaire et d’orthographe, mais surtout de mots, de phrases, d’histoires. Madame G. est attentive. Si attentive qu’un jour elle a remarqué que la petite lumière qui brillait dans les yeux de l’une de ses élèves avait cessé de scintiller, que sa joie de vivre avait cessé d’exister, que ce qui auparavant l’intéressait n’éveillait plus son intérêt. Si attentive qu’elle a remarqué que son corps maigrissait. Alors elle a lancé l’alerte.

    Discrète, elle a œuvré dans l’ombre, surtout ne pas heurter. Elle a prévenu l’infirmière scolaire, a appelé des parents inquiets. Après le début de la prise en charge, elle a continué à œuvrer, à soutenir, à aider. Ses courts textos commençaient toujours de la même façon « Bonjour L., je viens prendre de tes nouvelles ». Elle est touchante madame G., elle s’inquiète toujours pour les autres avant de se préoccuper d’elle même. Attentive, aimante, touchante, préoccupée, intéressée, voilà ce qu’est madame G.. Un dernier mot pour la décrire : super héroïne car sans le savoir, madame G. a sauvé une vie.

    L.

  • « Non les violoncelles, c’est encore trop fort ! »

    « Non les violoncelles, c’est encore trop fort ! »

    Dans une grande salle fortement éclairée, des gens s’affairent, tirent sur le côté des tables, placent des chaises, des pupitres devant les chaises, une estrade devant les pupitres. Les chaises heurtent le sol, les tables tirées grincent, les gens se saluent, parlent, rient. Puis ils s’assoient et des bruits d’instruments commencent à se faire entendre : des violons, des flûtes, des hautbois. Dans cette cacophonie de notes il arrive : petit, cheveux noirs très courts, en jean baskets, casque de moto à la main, blouson en cuir.

    Rien d’un chef d’orchestre symphonique de musique classique. Souriant, enjoué, il salue l’ensemble des musiciens, en passant entre les rangs, rigole avec certains. Enfin il monte sur l’estrade, lève une main vide et l’autre tenant sa baguette, la musique commence. « Non les violoncelles, c’est encore trop fort ! ». L’orchestre s’arrête, le chef n’est pas content ! Il s’énerve contre les violoncellistes qui ont oublié que leur morceau commence pianissimo. Perfectionniste, il leur fera recommencer dix fois les deux premières mesures et l’orchestre jouera encore et encore le premier mouvement de la symphonie, pendant les deux heures de répétition. Il reprendra son sourire à la fin, proposant à tous de discuter autour d’un verre.

    C.

  • « Petite, si petite et pourtant profondément interpellante… »

    « Petite, si petite et pourtant profondément interpellante… »

    Elle est là, au milieu du couloir si froid de l’unité l’Hermitte de Paul Brousse, proche d’un mur, comme pour se soutenir. Petite femme, jolie femme emplie de douceur sur un corps qui la porte à peine. On s’attarde sur ses jambes qui font penser à celles d’un enfant. Et pourtant, la maturité, la sagesse, le savoir et la connaissance émanent d’elle. Petite, si petite et pourtant profondément interpellante… ses cheveux enrobent sa tête comme une crème chantilly, douce et vaporeuse. Son regard bleu empli de bienveillance et attentif perpétuellement à l’autre ne laisse personne indifférent. Elle porte à chacun un mot réconfortant.

    Elle est le visage et le corps incarnés du combat de bon nombre d’entre nous qui souffrons cachées, dans notre intimité et notre univers parfois sombre. Elle attire, on a envie de savoir, de comprendre et pour autant elle impose la distance de la pudeur évitant une bienveillance quelque fois carnivore et inappropriée. Cette patiente sera probablement le souvenir emblématique de cette période si particulière partagée avec elle ; elle, la figure quasi biblique au milieu des démons et torpeurs que ce voyage réveille. Tricoteuse assidue et motivée, de ses mains agiles elle crée la matière. Il est intéressant de la voir tricoter avec finesse des kilomètres de morceaux, comme si elle rassemblait, mettait en forme, donnait du corps à différents fragments de vie. Un travail réparateur ?

    C.

  • « Elle nous aide à endosser notre vrai moi »

    « Elle nous aide à endosser notre vrai moi »

    A l’hôpital Brousse, elle déambule, chaque jour, du service de nutrition clinique du docteur Duquenois à celui de l’unité l’Hermitte, d’un pas décidé, pour se diriger vers ses différents patients.
    Tout comme ses pas, c’est une personne qui est sûre d’elle et sait pourquoi elle ouvre chaque porte et ce qui l’attend derrière. Ces portes, elle les ouvre toujours en disant « Alors ? » attendant patiemment que l’on veuille bien faire un bout de chemin avec elle. Elle est plutôt grande avec de longs cheveux soyeux à faire pâlir de jalousie, très élégante et féminine avec ses ongles longs toujours peints ; un regard franc et rieur qui vous frappe et vous donne envie d’échanger, de comprendre, de vous battre. Sa voix chargée d’un accent chantant que je dirais de l’Est, apporte un peu de légèreté entre ces murs froids de l’hôpital.

    Son regard et son esprit sont vifs et brillants d’intelligence ; perspicace, elle sait où aller vous chercher pour vous permettre d’avancer et de sortir de cette maladie, l’anorexie qui vous étreint, à la recherche de nous même. Elle nous aide à endosser notre vrai « moi », plus gai, plus fort, plus équilibré, qui va nous permettre de renouer avec le monde et le nôtre qui à l’extérieur, nous attend et nous espère. Elle est celle qui nous fait voir la vie en rose.

    M.

  • « Le Père Noël est en psychiatrie et il a perdu les pédales… »

    « Le Père Noël est en psychiatrie et il a perdu les pédales… »

    Le Père Noël est en psychiatrie et il a perdu les pédales. Monsieur Flamand n’est pas tout rose, il est tout pâle, car plus tout jeune et plutôt vieux. La première fois, c’est émouvant. Monsieur Flamand est enfermé et de sa voix traînante et chagrinée vient vous demander les clefs. Avec sa barbe blanche et sa hotte en taie d’oreiller le Père Noël voudrait se tailler. Il ne lui manque que les rennes, la raison et le bonnet.

    Dans son pyjama bleu, le long des couloirs blancs, Flamand traîne ses santiags de patient en patient. « T’as les clefs ? Les clefs, il me faut les clefs ». Monsieur Flamand sait qu’il est enfermé. « Je dois sortir, je dois voir ma fille ! ». Monsieur Flamand ne sait pas que c’est elle qui l’a enfermé en psy. Parfois le Père Noël tente de soudoyer les autres patients ; ils ont les clefs, il en est persuadé. « Il me faut les clefs, je t’enverrai de l’argent, s’il te plaît… ! ». Sa voix tremble, comme sa tête, elle part dans tous les sens.

    La première fois c’est amusant. Rapidement ça devient très chiant. Pas de tendresse pour les aliénés, on lui dit de la fermer. Monsieur Flamand est seul, personne ne vient jamais. Il cherche les clefs devant une porte toujours fermée. Le Père Noël bleu attend de s’échapper.

    A.