Auteur/autrice : admin

  • « Non les violoncelles, c’est encore trop fort ! »

    « Non les violoncelles, c’est encore trop fort ! »

    Dans une grande salle fortement éclairée, des gens s’affairent, tirent sur le côté des tables, placent des chaises, des pupitres devant les chaises, une estrade devant les pupitres. Les chaises heurtent le sol, les tables tirées grincent, les gens se saluent, parlent, rient. Puis ils s’assoient et des bruits d’instruments commencent à se faire entendre : des violons, des flûtes, des hautbois. Dans cette cacophonie de notes il arrive : petit, cheveux noirs très courts, en jean baskets, casque de moto à la main, blouson en cuir.

    Rien d’un chef d’orchestre symphonique de musique classique. Souriant, enjoué, il salue l’ensemble des musiciens, en passant entre les rangs, rigole avec certains. Enfin il monte sur l’estrade, lève une main vide et l’autre tenant sa baguette, la musique commence. « Non les violoncelles, c’est encore trop fort ! ». L’orchestre s’arrête, le chef n’est pas content ! Il s’énerve contre les violoncellistes qui ont oublié que leur morceau commence pianissimo. Perfectionniste, il leur fera recommencer dix fois les deux premières mesures et l’orchestre jouera encore et encore le premier mouvement de la symphonie, pendant les deux heures de répétition. Il reprendra son sourire à la fin, proposant à tous de discuter autour d’un verre.

    C.

  • « Petite, si petite et pourtant profondément interpellante… »

    « Petite, si petite et pourtant profondément interpellante… »

    Elle est là, au milieu du couloir si froid de l’unité l’Hermitte de Paul Brousse, proche d’un mur, comme pour se soutenir. Petite femme, jolie femme emplie de douceur sur un corps qui la porte à peine. On s’attarde sur ses jambes qui font penser à celles d’un enfant. Et pourtant, la maturité, la sagesse, le savoir et la connaissance émanent d’elle. Petite, si petite et pourtant profondément interpellante… ses cheveux enrobent sa tête comme une crème chantilly, douce et vaporeuse. Son regard bleu empli de bienveillance et attentif perpétuellement à l’autre ne laisse personne indifférent. Elle porte à chacun un mot réconfortant.

    Elle est le visage et le corps incarnés du combat de bon nombre d’entre nous qui souffrons cachées, dans notre intimité et notre univers parfois sombre. Elle attire, on a envie de savoir, de comprendre et pour autant elle impose la distance de la pudeur évitant une bienveillance quelque fois carnivore et inappropriée. Cette patiente sera probablement le souvenir emblématique de cette période si particulière partagée avec elle ; elle, la figure quasi biblique au milieu des démons et torpeurs que ce voyage réveille. Tricoteuse assidue et motivée, de ses mains agiles elle crée la matière. Il est intéressant de la voir tricoter avec finesse des kilomètres de morceaux, comme si elle rassemblait, mettait en forme, donnait du corps à différents fragments de vie. Un travail réparateur ?

    C.

  • « Elle nous aide à endosser notre vrai moi »

    « Elle nous aide à endosser notre vrai moi »

    A l’hôpital Brousse, elle déambule, chaque jour, du service de nutrition clinique du docteur Duquenois à celui de l’unité l’Hermitte, d’un pas décidé, pour se diriger vers ses différents patients.
    Tout comme ses pas, c’est une personne qui est sûre d’elle et sait pourquoi elle ouvre chaque porte et ce qui l’attend derrière. Ces portes, elle les ouvre toujours en disant « Alors ? » attendant patiemment que l’on veuille bien faire un bout de chemin avec elle. Elle est plutôt grande avec de longs cheveux soyeux à faire pâlir de jalousie, très élégante et féminine avec ses ongles longs toujours peints ; un regard franc et rieur qui vous frappe et vous donne envie d’échanger, de comprendre, de vous battre. Sa voix chargée d’un accent chantant que je dirais de l’Est, apporte un peu de légèreté entre ces murs froids de l’hôpital.

    Son regard et son esprit sont vifs et brillants d’intelligence ; perspicace, elle sait où aller vous chercher pour vous permettre d’avancer et de sortir de cette maladie, l’anorexie qui vous étreint, à la recherche de nous même. Elle nous aide à endosser notre vrai « moi », plus gai, plus fort, plus équilibré, qui va nous permettre de renouer avec le monde et le nôtre qui à l’extérieur, nous attend et nous espère. Elle est celle qui nous fait voir la vie en rose.

    M.

  • « Le Père Noël est en psychiatrie et il a perdu les pédales… »

    « Le Père Noël est en psychiatrie et il a perdu les pédales… »

    Le Père Noël est en psychiatrie et il a perdu les pédales. Monsieur Flamand n’est pas tout rose, il est tout pâle, car plus tout jeune et plutôt vieux. La première fois, c’est émouvant. Monsieur Flamand est enfermé et de sa voix traînante et chagrinée vient vous demander les clefs. Avec sa barbe blanche et sa hotte en taie d’oreiller le Père Noël voudrait se tailler. Il ne lui manque que les rennes, la raison et le bonnet.

    Dans son pyjama bleu, le long des couloirs blancs, Flamand traîne ses santiags de patient en patient. « T’as les clefs ? Les clefs, il me faut les clefs ». Monsieur Flamand sait qu’il est enfermé. « Je dois sortir, je dois voir ma fille ! ». Monsieur Flamand ne sait pas que c’est elle qui l’a enfermé en psy. Parfois le Père Noël tente de soudoyer les autres patients ; ils ont les clefs, il en est persuadé. « Il me faut les clefs, je t’enverrai de l’argent, s’il te plaît… ! ». Sa voix tremble, comme sa tête, elle part dans tous les sens.

    La première fois c’est amusant. Rapidement ça devient très chiant. Pas de tendresse pour les aliénés, on lui dit de la fermer. Monsieur Flamand est seul, personne ne vient jamais. Il cherche les clefs devant une porte toujours fermée. Le Père Noël bleu attend de s’échapper.

    A.

  • « Moi présidente, je changerais 2 ou 3 petits détails »

    « Moi présidente, je changerais 2 ou 3 petits détails »

    La France, un beau pays… Les français des beaux râleurs… Oui, oui, soyons honnêtes : râler pour le mauvais temps, pour les bouchons, pour la chaleur, bref, sur beaucoup d’éléments, vous l’aurez compris ! Toutefois ces français ne sont pas destinés à râler et heureusement, ils ne font pas que ça. Moi, j’y vois l’espoir pour une France encore meilleure. Déjà nous avons la chance d’avoir la mer, la montagne, la campagne, la ville, les différentes saisons et une démocratie. Nous aimons critiquer (qui n’a jamais dit que notre président était nul, personne !), cependant en réalité cela est chouette de pouvoir voter et choisir.

    Le président est droit : homme droit, qui a de la prestance, bonne élocution, beaux discours, mais j’aimerais bien tout de même diriger le pays seulement pendant un an, histoire de changer 2 ou 3 petits détails. Premièrement, supprimons l’argent. Eh oui, si tout était gratuit il n’y aurait plus aucun problème. Plus de riche, plus de pauvre, plus de vol et plus de jalousie.

    Bon, ne soyons pas fous tout de même, chaque français serait dans l’obligation de travailler minimum 30h dans la semaine. Deuxièmement, il y aurait un casting avec les meilleurs chercheurs et inventeurs de France afin de trouver LE français capable d’inventer la téléportation. Eh oui, comme cela, nous n’aurions plus de voiture, donc plus de pollution. Et en plus de ça, nous pourrions habiter n’importe où, aux Caraïbes par exemple. Cela ne coûterait pas cher. Bref, une vraie révolution. Troisièmement, et dernière chose, il y aurait des référendums absolument tout le temps. Pour que chacun puisse donner son avis. Voilà trois petites choses simples et qui changeraient notre vie.

    L.

  • « Comment savoir les réponses justes pour chaque cas ! »

    « Comment savoir les réponses justes pour chaque cas ! »

    Un emploi choisi pour subvenir au besoin de ma famille… Je suis agent de sécurité dans le milieu hospitalier, je commence à 6 h du matin. Je possède une petite cabine où éventuellement je resterai à l’intérieur pour répondre au téléphone et à la fin j’effectuerai le contrôle des patients arrivés pour leur rendez-vous et des ambulanciers. Ils arrivent l’un après l’autre pour transporter des malades, c’est leur métier. C’est compliqué parce qu’on affronte toutes sortes d’individus, et parfois nous sommes contraints de ne pas les laisser entrer et là les problèmes commencent !

    Comment savoir les réponses justes pour chaque cas ! Nous sommes parfois dépassés par les gestes répétitifs à ouvrir et vérifier les chambres des individus. La seule et unique raison de se tenir encore professionnel c’est la chaleur humaine et aussi le secteur particulier. Arrive le soir où l’on peut se dire que ces gens malades ont une souffrance et je dois contribuer à la sécurité des autres. Enfin je n’ai pas à me plaindre je suis en bonne santé. J’ai déjà oublié ma journée, vivement demain !

    A.

  • « J’ai les yeux qui piquent, la vérification des passes sera pour demain »

    « J’ai les yeux qui piquent, la vérification des passes sera pour demain »

    « Pour ce soir tu veux manger tibétain, chinois ou marocain ? » Rires… « Deux minutes chérie je t’appelle après, là il y a pas mal d’entrées et sorties au boulot. A toute ! ». Si je ne range pas mon téléphone, je vais encore me faire engueuler. Punaise, en plus, c’est Kévin qui arrive dans l’ambulance, j’en suis sûr il va me raconter tous les potins de la journée.

    – Hé Momo, comment ça va ?
    – Ça…
    – Tu sais pas quoi ?
    – Va…

    Pitié ! Faites qu’une voiture arrive derrière lui et le klaxonne comme si l’Algérie avait gagné un match de foot.

    – « Désolé Kevin ! Juste derrière toi il y a d’autres voitures, on se parle plus tard ! »
    Encore 30 minutes et c’est le week-end ! Ceux qui rentrent en fin de journée dans l’hôpital sont des habitués ; j’ai les yeux qui piquent, la vérification des passes sera pour demain. Mais comme je ne bosse pas demain… Ah ! Et puis mince, imagine que quelqu’un rentre et contamine un patient.

    – « Bonsoir madame ! Pourrais-je voir votre passe sanitaire s’il vous plaît ? »

    B.

  • « On s’est déjà croisé, non ? »

    « On s’est déjà croisé, non ? »

    Il est 18h30, il est encore temps de vous expliquer mon métier. « Oh la la, il pleut encore et encore, j’en ai marre d’être tant trempé, en plus, je suis congelé ! Depuis quand il fait 40° pendant une semaine ? Pff… être debout toute la journée, c’est épuisant ! Oui, j’ai mal aux jambes maintenant. Demander tout le temps “Votre passe sanitaire s’il vous plaît ?” ainsi que “Votre papier de consultation ?” et encore “Ouvrez votre coffre ». Cette dernière chose est complètement stupide, comme si un tueur en série allait soigneusement ranger ses armes dans le coffre ! Bien sûr que non ! Soyons cohérents, il cacherait plus cela sous la banquette arrière.

    Mais bon, je n’ai pas le choix, je suis obligé de déranger tous les visiteurs, de les faire se détacher, descendre, ouvrir le coffre, le refermer et rentrer de nouveau dans leur voiture. Sans oublier tout le personnel à qui il faut que j’ouvre. Je pense d’ailleurs que la barrière s’ouvre et se ferme plus de 40,000 fois par jour, sans abuser.

    Mais il y a tout de même des choses cool dans ce métier. Déjà, nous voyons des milliers de personnes chaque jour, pratique si vous cherchez des amis ! Ensuite cela peut vite être rigolo lorsque vous tombez sur une petite mamie qui est sourde et ne sait pas se servir de son téléphone pour le passe sanitaire. Ou bien lorsque vous voyez les ambulanciers pour la huitième fois de la journée. « On s’est déjà croisé, non ? ». Lorsqu’il faut orienter les patients, mais que cela est incompréhensible, c’est alors un vrai casse-tête. Bref, ce métier est très chiant certains jours et hilarant d’autres jours.

    L.